[Théâtre des Célestins de Lyon. "Comme tu me veux", de...

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPTP0080 02
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm (épr.)
historique Moi, je ne parle jamais en terme de carrière. Carrière, ça fait bilan, et bilan, ça fait banquière... Je n'ai pas envie de me retourner. Ce que j'ai fait, je l'ai aimé. Je revendique tout." Directe, péremptoire, entière, Fanny Ardant s'engage dans une nouvelle aventure, un nouveau personnage, une créature pirandellienne tout en ombre, rupture et mystère, l'héroïne d'un texte dont la lecture a évoqué chez elle "une grande cacophonie. Une musique fausse avec des échappées vraies." La comédienne voulait en effet revenir au théâtre depuis longtemps. Et pas pour de mauvaises raisons. Pirandello, pourquoi pas ? Ce théâtre qu'elle connaît très mal, mais dont elle sent "le danger de cérébralité si l'on s'en lient à un jeu au premier degré", Maurice Attias le lui offrait sur un plateau. Celui des Célestins avant celui des Ateliers. Elle est donc l'Inconnue de "Comme tu me veux", une pièce sur la discontinuité du moi. Une oeuvre où la quête d'identité se heurte au mensonge social. aux mesquins intérêts d'argent. Contresens que de penser que ce portrait de femme avec petits bourgeois mesquins et provinciaux est une simple histoire d'amnésie ou une histoire sur la mémoire et le souvenir. L'Inconnue se veut voyageuse sans bagages pour mieux bourrer ses valises de ce que l'opportunité d'une vie nouvelle lui présente et Pirandello nous parle là, comme à son habitude, de la vérité des êtres, c'est-à-dire de ce qu'ils croient être ou de ce qu'on croit qu'ils sont. Car dans ce monde, croire, c'est rendre vrai. Douter, c'est remettre tout en question. Ce jeu sur la vérité, ce porte-à-faux perpétuel de l'Inconnue dont on ne sait si elle est sincère ou si elle affabule, Maurice Attias l'a voulu sur le fil du rasoir, ou celui du funambule. Misant tout à la fois sur trois niveaux de lecture, l'intrigue policière, le masque social et la tentative d'un être de se construire ex nihilo, il a voulu épouser les traquenards de cette pièce "faussement réaliste" pour mieux captiver et rendre captif le spectateur. "Faire un suspens avec des acteurs en suspens et montrer comment se lient la folie qu'on a en soi et le mensonge social". Un essai pas vraiment transformé. Jouant délibérément sur les ruptures inattendues de rythme et de ton, et sur les contrastes appuyés de nombreux jeux de lumières, le metteur en scène violente texte et spectateur pour mieux mettre en valeur le drame qui se joue. Celui de la folie sous-jacente qui naît de l'éparpillement du moi. D'où un jeu heurté, stylisé, une théâtralité parfois exacerbée qui profère l'émotion jusqu'à l'exhibition. Un jeu parfois très physique mais qui ne confère pas de chair aux personnages. Fanny Ardant dans la démesure n'est pas toujours convaincante. Dans la désinvolture non plus d'ailleurs, les dérapages sont rarement contrôlés. Comment donner l'image d'un personnage en porte à faux, d'un jeu sur, sans pour autant que l'acteur qui l'incarne soit lui-même en porte à faux ? Comment dire l'artifice sans tomber dans l'artificiel ? La comédienne et son metteur en scène n'avaient pas encore résolu ce problème l'autre soir. Non plus que Samuel Labarthe qui campe un Bruno en alerte certes, mais quasi abstrait, désincarné. Quant aux joyeux fêtards qui miment une scène d'orgie en ouverture de la pièce, ils sont proprement ridicules. Heureusement, ils ne font que passer. Au contraire, c'est un bonheur que d'entendre Marcel Cuvelier et Thérèse Quentin dans un duo qui tourne à l'humoristique par ces pinaillages et ces piques. Leur jeu est là tout à fait premier degré et réaliste. Et c'est un régal. Cette comédie, inhumaine ou trop humaine, se joue sur fond de décor aux transformations volontiers manichéistes. De l'enfer dépravé berlinois en rouge et noir, on passe comme d'un endroit à un envers, à la blancheur d'une Italie lumineuse, qui se colore peu à peu de teintes plus chaudes. Alain Batifoulier, auteur également des costumes, a choisi un décor explicitement symbolique. L'élément pivot en est le miroir. La surface qui renvoie l'illusion des choses et des êtres, l'image des apparences. Une image que l'Inconnue avait voulue construire, à laquelle elle avait voulu s'identifier et qui, finalement se brise, renvoyant chaque spectateur a ses propres doutes. Le plus grand de tous ces doutes touchant d'ailleurs au parti pris d'interprétation. Source : "Et le miroir se brisa" / Nelly Gabriel in Lyon Figaro, 22 janvier 1990, p.50.
note à l'exemplaire Négatif(s) sous la cote : FIGRP01536.

Retour